Pelleter la neige après la tempête

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Ah, comme la neige a neigé! Ma cour est un jardin à pelleter.

Ces paroles du poète – légèrement modifiées – sont de circonstances ces jours-ci alors que le sport national québécois, de chialer contre la météo, se déchaîne. Pourtant, et même si je le fais depuis au moins 55 ans, j’aime bien pelleter la neige après une tempête.

Qu’on me comprenne bien, je peux râler autant que n’importe qui au moment de sortir au froid pour aller pelleter, alors que je pourrais rester bien au chaud à lire ou à me coller contre ma personne préférée. Mais une fois dehors et en fonction, j’y trouve du plaisir. Pour toutes sortes de motifs.

D’abord, il s’agit d’un exercice physique intéressant, qui non seulement implique une dépense d’énergie importante, engageant une bonne partie de la musculature, et qui peut même donner lieu à du « cardio » si on accélère le rythme un peu. Il importe cependant de bien se réchauffer en commençant lentement et en évitant les charges trop lourdes au début. Et puis il y a toutes sortes de façons de forcer, ce qui peut augmenter la conscience du corps dans l’effort : manier la pelle conventionnelle est fort différent de la pelle-grattoir familièrement nommée « gratte » ou de la pelle-traîneau. S’effectue ainsi une sorte de « rappel musculaire » de certaines lois de la physique, qui nous « ramène à terre » et nous remet en contact avec ce que François Mitterand a si joliment nommé « l’incontournable épaisseur de la réalité ».

Il y a là aussi une très bonne occasion sociale. On voit passer plusieurs voisins, ce qui permet de connaître et d’être connu, mais aussi de saluer, de prendre des nouvelles et d’en donner, d’établir des complicités.

On doit par ailleurs y déployer de l’intelligence pratique, de l’ingéniosité et de la planification. Où vais-je mettre la neige que je retire? est une des premières questions auxquelles on doit répondre sur le plan logistique et encore plus : où vais-la mettre de telle sorte qu’il y ait encore de la place pour les tempêtes du mois de mars (eh oui, souvenez-vous, il y a habituellement celle des corneilles au début de mars, et celle des sucres ou de la St-Joseph autour du 20!)? On doit aussi planifier la séquence : je commence par quelle partie et je le fais dans quel ordre?

Il y a aussi un plaisir à voir le progrès, très concret et quasi-mesurable. La satisfaction éprouvée lorsqu’on arrive au bout d’un chemin qu’on ouvrait dans la neige est un plaisir renouvelé. Et si on travaille à deux, venant chacun de son côté, le moment de la rencontre peut susciter un sentiment de réussite aussi fort que lorsque les équipes de forage d’un tunnel, parties chacune du bout opposé, se rejoignent à mi-chemin.

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La patience y trouve son compte et il y a dans ce travail une lenteur et une concentration de l’attention qui en font presqu’une entreprise de méditation. Un maître zen y reconnaîtrait sans peine son enseignement.

Mais mon plaisir, en pelletant en est surtout un esthétique. J’aime dessiner des lignes dans la neige, ouvrir des passages dont les formes constituent une trace de beauté, un signe, presqu’une signature, de mon passage, une marque de l’ordre temporaire et autorisé dans la forme, en apparence régulière mais au fond chaotique, que la tempête a laissée derrière elle. Une empreinte humaine.

Et vous, pelletez-vous?

 

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